Les archives du Lycée Kléber

 

 

 

 

 Des archives riches d’enseignements

Comme tout établissement scolaire, et toute administration, le lycée Kléber produit des archives. Et celles exhumées récemment des caves sont particulièrement intéressantes.

Elles couvrent une longue période qui va de l’inauguration de la « Realschule beim Kaiserpalatz » en 1889, dans le bâtiment construit dans la Neustadt (actuel collège Foch), au lycée d’aujourd’hui, place de Bordeaux, ouvert aux élèves à la rentrée de 1959.

Elles permettent de reconstituer le système scolaire du Reichsland Elsass-Lothringen, où les professeurs dans les « Censurenbücher » (les registres bulletins) allaient jusqu’à apprécier l’ « Ordnungsliebe » des élèves. Elles permettent aussi de découvrir la vie quotidienne des écoliers français après 1918 dont les classes allaient de la onzième à la septième (le petit lycée), des collégiens avec des sections « classiques et modernes », des lycéens, qui en terminale suivaient trois voies :  les « classes de mathématiques élémentaires, de philosophie ou de Sciences expérimentales », et des élèves des classes préparatoires, peu nombreux à l’origine. Bien sûr tous des garçons jusqu’en 1969.

 Ce sont plus de deux cents registres qui ont été sauvés de la poussière et des inondations :   catalogues des collections d’histoire naturelle, bulletins de notes, avec la terrible année scolaire 1918-1919 et son premier trimestre où les appréciations et les remarques sont écrites en allemand, puis en français au deuxième trimestre, et la longue liste des élèves radiés et expulsés avec leur famille car « Altdeutsche », registres des trousseaux et linge distribués aux internes à partir de 1956, fascicules annuels de distributions des prix (de 1922 à 1938 puis 1946 à 1967).

La distribution des prix donnait lieu, dans l’entre-deux guerre, à une grande cérémonie, avec spectacle pour les petits, discours des autorités et conférence prononcée par un professeur prestigieux du lycée, aubade de la musique militaire et la traditionnelle photo où tout le corps enseignant et la direction prenaient la pose en toge. Quant à la belle collection de copies d’examen (de 1893 à1921), écrites au porte-plume elles témoignent de la très belle calligraphie Sütterling en usage jusqu’en 1918 (mais difficilement lisible de nos jours) et intéressent les chercheurs allemands comme Franziska Flucke, professeur d’allemand au lycée.  Elles ont aussi livré la clef de quelques énigmes : un buste en bois sculpté découvert dans les caves a retrouvé son identité, un moulage en plâtre de la statue de Kléber a été acheté 4500 francs en avril 1945 pour célébrer le retour à la France.

De nombreux courriers permettent de retracer la situation catastrophique « du lycée le plus sinistré de l’Académie » à l’issue de la deuxième guerre et les projets visionnaires d’un proviseur qui, en avril 1945, à l’étroit dans ses murs recherchait éperdument de nouveaux locaux pour accueillir les élèves et proposait la construction d’un nouveau lycée « selon les méthodes anglo-saxonnes de construction de pavillons isolés entourés de terrains de jeux » ou même de s’installer dans l’actuel palais du Rhin ! Les conditions de la vie scolaire sont terribles en 1947 dans les baraques de l’annexe du lycée rue de Bouxwiller (qui remplacent l’annexe Saint-Jean, détruite par les bombardements américains), où des élèves « transis et frissonnants » voyaient « l’encre demeurée gelée des journées entières dans les encriers » !

C’est la conjonction de plusieurs projets pédagogiques menés par les professeurs Laurence Grosjean et Michèle Hoenen et Nicolas Laugel, étudiant en mastère d’histoire, conjuguée aux difficultés d’accès pour les classes aux Archives départementales qui a poussé les documentalistes, Françoise Klein et Jean-Pierre Nafziger à s’intéresser de plus près à ces archives. Elles ont permis de compléter le travail fait autour du journal de Lucien Dreyfus (paru en 2018), professeur au Lycée Kléber et qui, au moment de l’évacuation se réfugie à Nice, pour être arrêté ensuite par la Gestapo. Elles ont permis de retrouver les traces d’un autre professeur, Myrtil Bloch ainsi que d’un ancien élève du lycée, Léon Rieger, victimes eux aussi de la Shoah. 

Ce travail de préservation des archives a été mené avec la collaboration et les conseils de Jocelyn Perradin, archiviste en charge des archives des administrations aux Archives départementales, qui a jugé ce fonds très intéressant. Il faudra encore que les documentalistes, toujours plus passionnés par l’histoire de leur lycée, consacrent une partie de leurs loisirs à nettoyer, trier et référencer le reste du fonds. Une fois le travail d’inventaire achevé, tous ces documents seront déposés aux Archives départementales, ce qui est d’ailleurs une obligation légale, rappelle M. Perradin.

 

 

 

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